jeudi 26 février 2009

Salon de l'agriculture derrière les cordons de sécurité

Désolé pour cette incursion purement politique dans un site qui ne doit l'être que ponctuellement mais le fait est, à mon sens, gravissime. Sommes-nous encore dans un état de droit ?
La visite de Nicolas Sarkozy au Salon de l'Agriculture n'était donc qu'une mascarade. Claque des Jeunes UMP, cordons de sécurité qui isolent les visiteurs lambda et exposants (des fois qu'il y un un pauvre c** comme la dernière fois), isolement de manifestants pacifiques qui cherchent à interpeller le mégaprésident et M. Barnier...
Le récit avec vidéo sur le site de Rue89 : http://www.rue89.com/2009/02/21/interdiction-de-manifester-devant-sarkozy-au-salon-de-lagriculture

Ils étaient sept ou huit. Leur traitement par le service de sécurité a quelque chose de pathétique.


Merci à Frédéric qui a passé l'info.

dimanche 22 février 2009

"D'aimables jardiniers de la nature"

Les propos de N. Sarkozy à Daumenay sont assez éclairant sur sa vision du monde agricole.
La simple phrase suivante m'a laissé coi devant mon écran d'ordinateur lorsque j'ai découvert le contenu des propos.
"Je combattrai toute tentative de ravaler les agriculteurs au rang d'aimables jardiniers de la nature (...) ou de cantonniers à temps partiel de nos paysages" a déclaré le président français.

Quoi de plus noble que de jardiner la nature avec savoir faire et respect, et d'entretenir le territoire dans ce qu'il a de plus sensible, la perception paysagère. Et c'est une réalité que nous ne pouvons nier, ce sont les agriculteurs qui ont une grande part à cette tâche. Les propos du président visent à nous dire que d'entretenir la nature, de la jardiner, de la respecter serait de basses besognes ; qu'elles rabaisseraient l'être humain qui serait ainsi "ravaler" à un rang inférieur.
La posture intellectuelle est particulièrement choquante. Et nombre d'agriculteurs pourraient être choqués.

Messieurs de nos terroirs, soyez fiers de jardiner la nature ! soyez heureux d'entretenir nos paysages ! soyez grandis par vos travaux !

Je serais en charge de l'accès VIP au Salon de l'Agriculture que j'en refuserais l'accés aux hommes politiques qui, par leurs propos, dégradent la noble profession agricole.

samedi 21 février 2009

Céréaliers vs Eleveurs

Ils sont devenus fous ... ou ils oublient de réfléchir.
Les déclarations du Président de la République à Daumenay (Maine-et-Loire) le 18/02/09 ont ajouté un peu plus de flou, de doute, et de tensions dans le monde agricole.
Depuis décembre dernier, le débat pourrait presque sembler simple : l'idée du gouvernement serait de prendre une part des subventions versées par l'Europe aux céréaliers pour l'attribuer aux éleveurs. C'est le contexte du "bilan de santé de la politique agricole commune" (Bilan Pac) qui veut ça. L'accord du 20 décembre 2008 a lancé cette nouvelle possibilité pour les états sans atendre la future réforme de la PAC en 2013 (voir l'article de "Paysan Breton" de décembre 2008).
L'idée qui pourrait paraître simple me semble surtout d'une stupidité totale. Aa moment de l'ouverture du salon de l'agriculture, notre France, qui a été céréalisée à coup de subventions européennes, va prendre le tournant pour devenir une terre d'élevage. L'opposition corporatiste entre céréaliers et éleveurs sème la discorde à la FNSEA.
Comme si il fallait jouer l'opposition ... alors que nos territoires sont complexes et multiples.
L'augmentation des surfaces en grandes cultures céréalières (et en maïs) dans le Pays de Bray, le Pays de Caux, le Roumois et les Plateaux de l'Eure ont conduit à une réduction des surfaces en herbes pour le pacage et une augmentation des stabulations et de l'alimentation du bétail en herbe sèche. Ces développements sont la conséquence directe d'un simple souci financier. Il ne s'agit plus pour l'agriculture de produire plus ou mieux, mais de produire ce qui permet de toucher des subventions.
Le financier a ainsi réussi ces dernières années a tranformer le monde agricole en un support spéculatif, dont le revenu est rendu artificiel à coup d'aides de l'Europe. Oui, messieurs les agriculteurs, vous êtes devenus des semi-fonctionnaires européens.

Aujourd'hui, le débat qui s'ouvre est celui de la cohabitation entre les pratiques culturales au sein d'une même région. On voudrait nous faire croire qu'une région pourrait ne faire que de l'élevage et que sa voisine ne produire que des céréales qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Les Jeunes Agriculteurs ne sont pas dupes. Certains dénoncent déjà le risque de "course à l'hectare" qui accentuerait la dénaturation de nos paysages en les standardisant au gré des subventions. (lire à ce propos le texte de l'Humanité).
Mais voilà, en agriculture, rien ne se fait sans les syndicats agricoles et ceux là (FNSEA en tête) ont vraiment une courte vue de leur territoire (les éléments du débat interne dans l'article de Ouest-france).
Le Salon de l'Agriculture va-t-il être le lieu de réflexion qu'il pourrait être, ou une simple arêne propice au pugilat par médias interposés ?

Et en plus, notre Sarkoprésident en rajoute dans son discours ... à suivre, dès demain.

jeudi 19 février 2009

Merci Fred pour ce beau texte

"Nous y voilà, nous y sommes.
Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance.
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s'est marrés. Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse).
Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux. D
'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance. Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille, récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).
S'efforcer.
Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.
Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore."

Fred Vargas
Archéologue et écrivain

jeudi 12 février 2009

Un Plan de relance ?

Vous avez sans doute entendu parler de cette loi aux très nombreux articles dite "plan de relance" ou "Loi Devedjian". Parmi les propositions qui ont été validées par les parlementaires, il y en a de très nombreux qui concernent l'aménagement du territoire et donc la gestion des paysages.
Tout est fait, selon cette loi, pour faciliter certains pans de notre économie qui sont en grande difficulté comme l'automobile ou la construction. Il semble bien que la loi comporte cependant de très nombreux effets pervers. Et que penser des 1000 projets tant vantés sur le site gouvernemental ?

J'en veux pour seul exemple celui du patrimoine.
La relance d'un programme de travaux sur les monuments historiques (MH) vise à de grands chantiers sur des sites prestigieux. La liste est édifiante. N'attendez pas d'y trouver l'église de votre village. Il ne s'agit que de travaux que l'Etat avait retardé depuis des années (voire décennies) mais tout était déjà programmé. Qui va bénéficier de ces travaux ? Un peu tout le monde pour le plaisir de l'oeil mais financièrement ce sont surtout les grands noms des MH et du BTP qui vont faire leurs choux gras, ainsi que les Architectes en Chef des Monuments Historiques pour qui les honoraires vont pleuvoir. Pour la relance de l'entreprenariat local, il faudra encore attendre.
L'exemple de l'archéologie préventive est aussi intéressant. La petite loi qui la concerne a mis en place des nouveaux délais, plus stricts, dans les procédures administratives liées aux opérations de fouilles préventives (diagnostic ou fouille). Si les délais ne sont pas respectés par l'opérateur en archéologie (dont le budget et les moyens d'intervention dépendent grandement de l'Etat), alors les prescriptions obligeant la réalisation de fouille tomberont d'elles-même et les projets de construction (lotissements, routes, zones d'activités ...) pourront se réaliser ... en détruisant légalement les vestiges archéologiques. Évidemment, la présence des archéologues pourrait retardé l'efficacité du plan de relance.
Quand je vous disait qu'il y avait des effets pervers.

Je vous invite, chacun dans vos domaines de compétences à lire les propositions ou lois figurant sur le site avec un esprit critique. Bien sur, certaines propositions sont réellement intéressantes, comme la lutte contre l'habitat indigne, l'aide à l'hébergement d'urgence ou le soutien aux micro-entreprises. Mais il y a peut-être des effets induits encore non mesurés.

Et pour nous, en Normandie ? Pas grand chose; seuls quelques grands chantiers (déjà engagés d'ailleurs pour certains) comme les nouveaux quais du port du Havre ou la restauration de la cathédrale de Rouen. Mais pas de soutien au plan de rénovation urbaine rouennais ou havrais, un petit chantier sur le transport ferroviaire à Serqueux, et aucune concertation pour le développement de la construction qui va ainsi pouvoir poursuivre de façon sauvage sa consommation d'espace en périphérie urbain.

Et l'EPR qui sera construit à Penly, si les normands (les citoyens pas les politiques) ne se mobilisent pas pour l'empêcher, il participera sans doute à sa façon à la relance. Mais ce sera court et les lotissements ne manqueront pas de se développer dans le Petit Caux. Je vous invite d'ailleurs à parcourir quelques textes écrits à ce propos, pro et anti: C. Taleb, communiqué des Verts de Rouen, les anti-nuc diéppois, S. Jumel (maire de Dieppe), J. Bazin, S. Taleb-Tranchard.

Combien de temps faudra-t-il attendre pour que le monde politique entende la complexité de l'espace et des paysages qui composent notre territoire ? Du Grenelle de l'Environnement, ils n'auront retenu que les composantes facilement valorisables et se seront copieusement assis sur toutes nécessité de discussion, de débat, de démarche participative. L'exemple de l'EPR n'en est que le plus grossier.

jeudi 5 février 2009

L'agriculture face aux défis d'aujourd'hui et de demain

C'est le sous-titre d'un colloque qui se déroulera les 7 et 8 mai 2009 à Milan.


Avec le titre ETTARO ZERO (zéro hectare) "Faire paysage, construire la nature, prendre soin du sol", la Direction Générale de l'Agriculture de la Région de Lombardie, l'Institut Polytechnique (Architecture et planification), la Faculta de Agraria de Milan, et l'IREALP (Institut de Recherche sur l'Ecologie et l'Economie Appliquées en Domaine Alpin), organisent deux journées pendant lesquelles il sera question de diversité du territoire, de ruralisation, de l'association de la biologie et de l'écologie, de la diminution et de la fragmentation des terres et des entreprises agricoles, de la fertilité ...

L'argument de cette rencontre est le suivant : Le sol est la base de la production, il est ressource, il est soumis à la pression de l'homme. L'agriculture est en compétition avec d'autres activités humaines et le sol est le lieu de la rencontre. En Italie, entre 1990 et 2000, au moins 2 millions d'hectares ont été perdus pour l'agriculture. Et dans le même temps, on a vu réapparaitre l'agriculture péri-urbaine. Le principe de durabilité de notre société repose sur la prise en compte de l'usage du sol selon les meilleurs critères de préservation. La protection des sols cultivés, leur fertilité et leurs fonctions écologiques doivent être pris en compte avec les outils de l'économie, du suivi environnemental, des pratiques sociales et culturelles et les pratiques paysagères. Les organisateurs espèrent recueillir des témoignages, des récits d'expériences, des approches originales sur la relation entre agriculture et gestion du sol. L'idée est de collecter des "idées pour agir" avec une possibilité de transfert aux acteurs engagés dans les secteurs concernés.

Le colloque se déroulera avec deux séances plénières et trois sessions parallèles, plus une table-ronde. Une session "poster" est aussi prévue.
Attention, la date limite d'envoi de proposition de communication, originalement placée au 10 février, à été reportée au 2 mars 2009.

Toutes les informations sont sur ce site dédié : http://www.irealp.it/it-it/ettaro_zero

Pour télécharger l'appel à communication en anglais ou en italien

A noter que dans ce cadre, une rencontre préparatoire a eu lieu le 23 janvier 2009 sur le thème "paysage et agriculture péri-urbaine" ; un sujet qui revient souvent dans les débats et les recherches. En France, l'ENSP de Versailles en a fait l'un de ces principaux thèmes de réflexion. André Fleury et Roland Vidal, tous deux enseignants à l'ENSP étaient les invités de cette journée.

A la suite de cet exemple, cette réflexion pourrait être menée dans de nombreuses régions françaises, et en Normandie en particulier où les conflits d'intérêt sur le gestion des sols sont nombreux. Découper le territoire en petits morceaux, en le fractionnant comme le fait notre politique de gestion des Plans Locaux d'Urbanisme, entraine vers une non-gestion raisonné de l'espace faute de cohérence.