Mon titre pourrait vous induire en erreur. Non, la CDC ne change pas de nom.
La célèbre CDC (Caisse des Dépôts et Consignation) devient un organisme à comportement équitable. Du moins, ce que sa direction avance.
Déjà, en fin 2007, la Caisse avait édité une petite feuille annonçant la prise en compte de la compensation carbone de son fonctionnement, comme elle l'a déjà fait en 2006. Un équivalent de 30 000 tonnes de GES a été pris en compte. Pour la période 2006-2012, la CDC s'est engagé à la neutralité carbone, autant pour le fonctionnement de l'établissement public que pour ses filiales. Elle va réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 3% par an.
Le financement mis en place pour cette compensation est orienté l'aide à des projets de petite énergie hydroélectrique, éolienne ou de capture de méthane. Cette somme est de 3 M€.
Et aujourd'hui, la CDC devait annoncer une seconde étape, importante en matière de paysage.
Le programme est lancé par la création d'une nouvelle filiale "CDC Biodiversité", a vocation limitée : "conduire des actions de restauration, de gestion, de valorisation et de compensation de la biodiversité."
Important en matière de paysage, car c'est la CDC qui aide au financement de nombre de grands projets d'aménagement du territoire. Les autoroutes sont souvent dans le collimateur pour les destructions ou dégradation paysagères induites. ASF (Autoroutes du Sud de la France) a déjà signé un accord pour une nouvelle voie près de Bayonne (prolongement A63).
Un dossier complet, avec le communiqué d'annonce, a été mis en ligne sur le site de la CDC :
http://www.caissedesdepots.fr/spip.php?article952
et la dite filiale a déjà été pourvu d'un site propre :
http://www.cdc-biodiversite.fr/
Tout cela présage de bonne chose... mais !
Il est difficile d'avoir confiance envers une structure au fonctionnement aussi complexe que la CDC. La preuve, la direction de CDC-Biodiversité est donnée à une autre structure, la Société Forestière, autre filiale de CDC. !!!
En faisant cette annonce aujourd'hui, Augustin de Romanet, le président de la CDC a décidé de surfer sur l'effet (?) Grenelle de l'Environnement. Car les problèmes ne vont pas tarder à apparaitre, comme le signale Laurence Caramel dans son article du Monde
Défiance chez France Nature Environnement, inquiétude au WWF, et les scientifiques seront certainement très partagés sur les options prises.
En effet, le principe retenu semble celui de la compensation, c'est-à-dire un nouveau droit à faire quelque chose de néfaste si on le compense par quelque chose de positif. Un nouveau droit à détruire en quelque sorte.
Et cela, même si un solide comité scientifique est mis en place : Luc Abbadie (biochimiste et directeur adjoint du Département Environnement et Développement Durable du CNRS), Robert Barbault (écologue au MNHN), Jean-François Dobremez (spécialiste des éco-systèmes de montagne), Jean-Claude Lefeuvre (écologue et président de l'Institut Français de la Biodiversité) et Jacques Weber (Directeur du même IFB). Toute la connaissance de notre environnement serait-il au main de la seule discipline "écologie" ?
Sans vouloir faire de guerre de chapelle, tout ça sent un peu la pensée unique d'une certaine écologie... mais j'y reviendrais certainement.
Passons par l'exemple :
Imaginons, la CDC décide de financer la construction du contournement de Rouen par l'Est et de tout faire pour favoriser le passage au moins coût, y compris en menaçant des zones sensibles et des paysages remarquables... mais en contrepartie, la CDC finance un programme de requalification d'espaces naturels dans un autre secteur de la région normande et de protection d'une espèce locale. Est-ce vraiment faire preuve de prise en compte des contraintes locales en matière d'environnement et de paysage, ou bien, n'est-ce pas plutôt une façon d'éluder le problème ?
Prenons un autre exemple chaud du moment. Le prolongement du Grand Canal du Havre pourrait être financé de la sorte, avec perte de surface en roselières et prairies humides, mais en favorisant l'implantation du butor étoilé ailleurs que dans la basse Seine !!! On rêve.
Attendons un peu pour voir comment cela va fonctionner. Car si l'outil est bien utilisé, ce peut être réellement une chance de limiter les projets car si le prix de la compensation pourrait être exorbitant. Mais justement, la question est : combien ça vaut "un butor étoilé"... combien ça vaut " une perspective sur l'abbaye de Saint Wandrille, ... combien ça coute "une zone humide" ???
Quelques questions qui sont justement au cœur des programmes en cours d'élaboration au sein du GIP Seine-Aval. Quelques travaux ont déjà effleuré ces sujets comme la thèse de D. Laroutis. Les économistes devront nous dire comment estimer le cout d'un site naturel, paysager, ou autre, en fonction des aménités et diverses modalités d'usage.
Et il faut également craindre que le choix fait par la CDC ne s'étende à d'autres financeurs qui cherchent une façon simple de se dédouaner de quelques projets délicats en faisant usage de mesures dites compensatoires. C'est quelque chose qui existe déjà mais pourrait devenir un véritable système menaçant le principe de la négociation autour d'un projet. Vraiment, une histoire à suivre au fil des années et des opérations d'aménagement.