samedi 28 novembre 2009

La "braderie" des monuments historiques

La loi de finances 2010 va avoir quelques conséquences sur le paysage patrimonial. Dans son article 52, elle propose aux élus locaux de devenir propriétaires des monuments historiques. Les grands parcs et jardins de l'Etat sont concernés.

Il y avait déjà eu une première cession d'édifices réalisée en 2004 mais seuls quelques monuments (176 en tout) étaient proposés au transfert. Peu de succès car 66 MH ont été transférés (dont notre abbaye de Jumièges), car les contraintes étaient fortes, en particulier en imposant le transfert intégral.

Cette fois, tous les édifices sont concernés, ou presque, et les contraintes sont allégées. Les édifices peuvent être transférés partiellement. L'article 52 sus-cité précise : "sans limite temporelle ... tout ou partie des immeubles."
Et le Ministère de la Culture pourrait ne pas avoir son mot à dire ! Fredéric Mitterrand s'est dit pourtant favorable à cette réforme.

Le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, Nicolas Perruchot Nouveau Centre), a estimé la réforme non satisfaisante. Il souhaite établir une liste négative des monuments non transferables (Arc de Triomphe, château de Versailles ...). Marcel Rogemont (PS) estime que l'on veut désaisir la Rue de Valois.
Le rapporteur spécial Yann Gaillard a approuvé le texte mais un amendement prévoit une clause par laquelle l'Etat peut ne désigner aucun bénéficiaire du transfert.
Les risques sont clairs. Les collectivités locales vont souhaiter prendre possession des édifices rentables, médiatisables, intégrables à leurs parcours touristiques, voire disneyisables. Mais aussi, les édifices complexes vont être coupés en morceaux, la partie Etat jouxtant la partie collectivité.

Nombreux sont les parlementaires qui souhaitent encore une politique nationale cohérente sur l'ensemble du territoire sur ce sujet. Alors, des espoirs restent permis, tout d'abord dans le détail du suivi de cette mesure, mais aussi parce que les cures de régimes auxquelles vont être confrontées les collectivités locales pourraient limiter l'effet de la mesure.

Voir : le texte du projet, l'examen en commission du budget de la Culture, la page de "Nos Députés" de Nicolas Perruchot, l'excellent article de Clarisse Fabre dans Le Monde du 22 novembre, et l'analyse du projet de loi de finances sur le très bon blog de Benoît de Sagazan.

2 commentaires:

laure leforestier a dit…

"les cures de régime auxquelles vont être confrontées les collectivités locales pourraient limiter l'effet de la mesure" : le danger est plutôt là, quel budget les collectivités territoriales pourront affecter à la culture après ce régime ?
Je ne vois pas trop où est le diable dans cette mesure, si ce n'est une perte d'influence du ministère de la Culture.
Ensuite, que ça gueule rue de Valois, personnellement, peu me chaut :-)

Swingphil a dit…

Je souscrit pleinement à ton analyse. Et entre financer la solidarité, la recherche, les structures éducatives et le patrimoine, je n'ai malheureusement guère de doute sur les choix qui seront fait !
Pour la perte d'influence du ministère de la Culture, j'ai la faiblesse de croire que la gestion patrimoniale repose sur une réflexion scientifique et des orientations qui place le citoyen sur un pied d'égalité quelque soit sa région. Ceci sous entend que les grandes directions de réflexion sont définies nationalement et appliquées localement, d'où la nécessité des services déconcentrés. Cette dérive est déjà en train de devenir visible avec les services de l'Inventaire de certaines régions qui ont pour objectif de fournir de la doc pour les offices du tourisme.